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Municipales : les bureaux de vote à l'heure du coronavirus

Les bureaux de vote se préparent aux élections municipales de dimanche à l'ombre du coronavirus, souvent perçu comme une menace tant du côté des assesseurs, tentés par endroits de se désister, que des électeurs, potentiellement rétifs à se déplacer.

"Venez voter avec des gants, avec des bonnets, avec des masques, mais venez voter !", a ainsi lancé ce mardi 10 mars sur Public Sénat le député LR de l'Oise Éric Woerth, à l'instar d'autres politiques qui ont appelé à ne pas sacrifier ce scrutin des 15 et 22 mars, sachant que la participation, en baisse continue depuis plus de trente ans, sera l'une des clefs du scrutin.
Selon un sondage Ifop réalisé le 5 mars et publié dimanche, 28% des électeurs sont susceptibles de ne pas aller voter dimanche prochain en raison des risques de contagion, et ce davantage dans les grandes villes que dans les communes rurales. 72% prévoient d'aller voter malgré tout.

Pour encourager la mobilisation, le ministère de l'Intérieur a, via un "télégramme aux préfets", pris des mesures visant à faciliter la délivrance de procurations pour les personnes vulnérables ou confinées en raison de l'épidémie. Ces personnes peuvent déjà demander à un officier de police de se déplacer pour recueillir leurs demandes de procurations, avec toutes les mesures de précaution sanitaires prévues.
Dans les hébergements collectifs - Ehpad notamment -, ces demandes pourront être recueillies par une personne travaillant déjà dans l'établissement, en tant que " délégué de l’officier de police judiciaire" désigné par le juge d'instance ou l'officier de police judiciaire.

Parcours et distances minimales

Des mesures supplémentaires seront en outre prises pour aménager les bureaux de vote, avec à la clef des "recommandations sanitaires applicables". Dans un courrier adressé aux élus samedi, le Premier ministre, Édouard Philippe, avait de nouveau affirmé qu'il n'était "aucunement question de reporter" les élections, rappelant la "pertinence" des "mesures barrières".
Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a envoyé ce mardi des instructions supplémentaires aux maires. Celles-ci concernent les électeurs mais aussi les intervenants dans les bureaux, comme le président, les deux assesseurs au moins (s'il en manque un, il est désigné parmi les électeurs les plus âgés) chargés de faire signer la liste d'émargement aux électeurs et de tamponner leur carte électorale, et le secrétaire, qui rédige le procès-verbal. Des scrutateurs procèdent en outre au dépouillement des votes sous la surveillance des membres du bureau.

L'aménagement du bureau de vote doit permettre de "limiter les situations de promiscuité prolongée", à l'aide d'un marquage au sol du parcours de l'électeur, explique la circulaire, qui fournit même un schéma en annexe (voir illustration ci-dessus). La distance souhaitable est de "1 mètre environ". L'installation d'isoloirs sans rideaux (mais garantissant le secret du vote par leur orientation) est même recommandée. Il peut être demandé au préfet de modifier le lieu du bureau de vote si ce lieu devait être "manifestement inadapté". Tout doit être fait pour éviter les pics d'affluence, y compris en prévoyant, "avec le préfet, l'opportunité, là où ce n'est pas déjà le cas, de décaler à 20h l'heure de clôture du scrutin".

La circulaire insiste sur le nettoyage des locaux et du matériel et des fameux gestes "barrière" - électeurs comme membres des bureaux sont invités à se laver les mains fréquemment, avec des flacons de gel hydroalcoolique placés à l'entrée et à la sortie des bureaux.
Les électeurs pourront venir avec leur propre stylo, ou bien les stylos mis à disposition seront nettoyés régulièrement. Le port des gants n'est pas recommandé, ni celui d'un masque chirurgical sans présence de symptômes, "y compris pour les membres du bureau de vote". Le maire de Montpellier, Philippe Saurel, par exemple, a ainsi commandé 320.000 stylos afin que chaque électeur puisse émarger sans risque de transmission.
Le président du bureau ne pourra pas empêcher un électeur manifestement malade de voter s'il a pris des mesures de protection (port du masque notamment) mais il pourra "mettre à l'écart" un électeur non protégé.

Assesseurs : "De plus en plus de gens qui disent non"

À Paris, où la mairie doit ouvrir 897 bureaux, la maire sortante Anne Hidalgo a affirmé vendredi avoir anticipé un "nettoyage renforcé" des bureaux avant et après le vote, ce qui rendrait "nécessaire" selon elle la fermeture des écoles lundi. À Marseille, la mairie, qui doit garantir l'ouverture de 480 bureaux, affirme que "pour l'instant les désistements d'assesseurs sont à la marge, et les partis font appel à des bénévoles de secours", si bien que "la ville ne se pose pas du tout la question de la réquisition".

À La Balme-de-Sillingy, cluster de la maladie en Haute-Savoie qui compte 5.200 habitants dont 3.600 électeurs, le maire François Daviet, atteint par le Covid-19, se montre serein et espère "que les gens iront voter". Pour tenir les cinq bureaux de vote, son père et ancien maire, Georges Daviet, se dit "confiant" de trouver les 20 assesseurs prévus. Le maire de Lyon et ancien ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, est lui plus inquiet. Il rapporte à l'AFP qu''il y a "de plus en plus de gens qui disent non" pour être assesseurs.

Dans un courrier adressé le 9 mars au Premier ministre, Christophe Bouillon, le président de l’Association des Petites Villes de France (APVF), qui avait participé la semaine dernière à la réunion gouvernement/élus sur la crise du Coronavirus pour dire sa crainte d'une "forte abstention" et demander que soit lancée "très rapidement" dans les médias une campagne nationale "rappelant que le vote est un devoir civique" et que "toutes les mesures seront prises dans chaque bureau de vote afin d’assurer la sécurité des électeurs et des assesseurs".